Ou comment distinguer l’analyse tronquée, trompeuse et si souvent pratiquée du vrai SWOT, qui lui vous apportera des bénéfices concrets.
L’analyse SWOT est devenue une figure imposée du plan marketing. Elle apparait désormais dans tout business plan qui se respecte. Et pourtant rares sont les SWOT correctement réalisés.
Dans la multinationale pour laquelle j’ai longtemps travaillé, j’ai pu compter sur les doigts d’une seule main les fois où la matrice SWOT était correctement renseignée, l’analyse complète et l’ébauche d’un plan d’action concrètement entamée.
Le SWOT est un modèle incontournable mais lorsqu’il est bâclé ou incomplet, il peut biaiser la compréhension du contexte et s’avérer au final totalement contre-productif voire dangereux pour les organisations, qui peuvent être tentées de prioriser des décisions au final peu pertinentes.
C’est bien dommage car savoir appliquer correctement l’analyse SWOT n’a rien d’insurmontable. Je l’ai enseignée à des cadres de tous niveaux mais aussi par exemple à des chefs de secteurs qui ont su en faire un outil opérationnel parfaitement maitrisé et qui leur a permis de réellement faire « bouger les lignes » et engager leurs équipes.
Alors manque de temps ? méconnaissance de l’outil ? incapacité à en rendre l’application tangible ?
Voyons ensemble les 3 grandes phases de l’élaboration d’un SWOT digne de ce nom et les quelques pièges à éviter. Qu’il s’agisse de stratégie produit, de ventes ou de positionnement de marque, la méthodologie s’appliquera aussi efficacement si ces trois phases sont prises en compte avec une égale importance.
Phase 1 Identification des points clés et remplissage de la matrice SWOT
C’est l’étape que tout le monde connait – ou croit connaitre. Il s’agit effectivement de lister dans l’ordre les principales Forces (Strengths) et Faiblesses (Weaknesses) – de la marque, du produit, de l’entreprise, de l’équipe… – puis les Opportunités (Opportunities) et Menaces (Threats) – que présentent le marché, l’environnement socio-économique, politique etc.
Piège #1
Cette phase n’est pas réellement la toute première étape ! Elle devrait être normalement précédée d’une réflexion conjointe sur les tendances Macro et d’une analyse appelée STEEP.
Les tendances Macro marquent un changement notable et durable au niveau mondial. Parmi ces tendances on notera principalement la globalisation du commerce, la digitalisation de notre vie sous tous ses aspects, une urbanisation massive vidant les campagnes de leurs occupants, un vieillissement de la population, la montée de la conscience environnementale (et demain spéciste ?), un rééquilibrage des pôles politico-financiers. Bien qu’elles s’inscrivent dans un registre global, rien ne dispense les Sociétés de s’interroger sur ce en quoi ces tendances affectent ou non ses clients, employés, partenaires, concurrents et fournisseurs.
Vient ensuite une réflexion toujours générale mais à un niveau plus local qui pourra concerner en particulier un pays, une région, une agglomération et que l’on appellera STEEP, un acronyme de Social-Technologique-Economique-Environnemental-Politique. Il se passe en effet bien des choses dans ces cinq dimensions et sur chacun des périmètres d’application choisis (pays-région-agglomération), lesquelles forcément « impactent » l’activité de l’entreprise. Prenons un exemple concret, la fermeture d’une grosse usine à proximité d’une sous-préfecture de province. C’est un fait qui relève du domaine économique et que l’on peut supposer avoir un impact négatif sur l’activité locale. Une hausse de la CSG relève du domaine politique et influe sur le pouvoir d’achat etc.
Parfois, un fait peut couvrir plusieurs des cinq dimensions à la fois. Ce serait le cas si demain la ville de Paris prenait la décision de fermer une partie de ses voies à la circulation gratuite des véhicules automobiles. Il s’agirait d’une décision à la fois politique et environnementale avec un impact économique évident – positif ou négatif selon qu’il s’agisse de tourisme ou de e-commerce.
Sans entrer plus dans les détails, il est impossible de réaliser une bonne analyse SWOT sans avoir préalablement réfléchi et s’être accordés sur ce que les tendances Macro et le STEEP signifient pour l’entreprise, dans son présent contexte et son devenir.
Piège #2
Tout le monde s’accorde sur le fait que Forces et Opportunités ont une connotation positive alors qu’il en va de l’opposé pour les Faiblesses et les Risques. Là où cela se complique c’est lorsqu’on mélange les points relevant de l’interne (Forces et Faiblesses) avec ceux de l’externe (Opportunités et Menaces). Disposer d’un personnel peu compétent n’est pas une menace mais une faiblesse. L’ouverture d’un nouveau concurrent à proximité de son site n’est pas une faiblesse, c’est une menace (ou une opportunité). Cette confusion va s’avérer très préjudiciable pour la phase 2 du SWOT, aussi convient-il de ne pas commettre d’amalgames entre éléments internes et externes.
Piège #3
L’identification des points à retranscrire dans les quatre boites de la matrice SWOT fait souvent l’objet d’un brainstorming, qu’il soit réalisé par métaplan ou quelconque autre méthode. Si les idées affluent il faut savoir les classer correctement comme il en a été question dans le paragraphe précédent, mais aussi les synthétiser. Cela n’est pas toujours évident surtout lorsque on cherche un compromis visant à satisfaire les égos de chacun des intervenants. Je recommande de ne pas dépasser six points par « case » de la matrice et si possible d’essayer de les hiérarchiser par ordre d’importance.
Plus il y a de points dans chacune des quatre cases, plus la phase deux du SWOT sera compliquée. Une façon astucieuse de procéder à la sélection des critères de façon argumentée, est d’avoir recours à un jeu de SCRUM poker pour les connaisseurs. C’est un excellent moyen d’impliquer chacun des participants, de les amener à argumenter en profondeur et d’impliquer l’ensemble du groupe dans l’acceptation d’un consensus de qualité.
Enfin ne cédez pas à la tentation de complexifier l’analyse SWOT en intégrant des variantes du style « éléments externes mais relevant de l’interne » … vous ne gagneriez qu’à perdre vos équipes en chemin.
Phase 2 Les « croisements »
C’est l’étape encore plutôt méconnue et en tous cas sous-utilisée, alors qu’elle est – à mon sens – la plus importante.
Une fois l’équipe accordée sur les Forces, Faiblesses, Opportunités et Risques de la bonne façon (prise en compte du STEEP, respect de la distinction interne/externe, priorisation et hiérarchisation des points), il s’agit maintenant d’affiner l’analyse.
Cette phase passe parce que l’on appelle les « croisements ». Ces croisements sont au nombre de quatre et sont en regard de la matrice SWOT, verticaux ou diagonaux, mais jamais horizontaux. Ils portent également un nom précis :
Forces x Opportunités = les Avantages
Faiblesses x Risques = les Vulnérabilités
Forces x Risques = les Défenses
Opportunités x Faiblesses = les Tentations
Vous trouverez de nombreuses définitions et exemples sur la toile. Retenez que sans cette étape, il est impossible d’établir une passerelle circonstanciée et sérieuse entre la matrice SWOT et quelconque plan d’action. Ces croisements constituent l’essence des actions que vous allez prioriser.
J’ajouterai que sur la base de mon expérience, les Vulnérabilités sont dans de nombreux cas à prendre en compte en priorité car elles permettent de mettre à l’abri l’entreprise d’un danger parfois imminent.
Les Tentations sont-elles plus complexes à établir mais ne sont pas à négliger car il s’agit de se prémunir des raccourcis hasardeux que prennent de nombreuses entreprises face aux miroirs que tendent la nouvelle économie digitale ou le commerce globalisé.
Phase 3 Le plan d’action
Aussi curieux que cela puisse paraitre, cette phase n’est pas systématiquement présente et quand elle l’est, il n’y a souvent aucun lien pertinent entre le plan d’action et la matrice SWOT préalablement établie – d’où une nouvelle fois la nécessité de sécuriser une bonne exécution de la phase des croisements.
Quel est l’intérêt de procéder à une analyse SWOT si elle ne débouche pas sur un plan d’action concret. Effectivement ! Il semblerait cependant que le SWOT soit devenu une fin en soi dans de nombreuses entreprises, un exercice de style en quelque sorte pour mieux briller en « board meeting », séduire sa hiérarchie et franchir plus vite les échelons. Il serait tellement pus judicieux de récompenser les acteurs des plans qui marchent, qui motivent et qui délivrent du résultat !
Pour en terminer succinctement avec le plan d’action, si les croisements ont été bien faits, les actions prioritaires apparaitront d’autant plus distinctement et en toute évidence. Nous avons tous été confrontés à des plans d’action indigestes, parfois destinés à impressionner les commanditaires mais quasi impossibles à mettre en place et finalement destinés à encombrer nos étagères ou faire illusion d’une apparence de sérieux le cas échéant.
En conclusion
L’analyse SWOT complète réclame un investissement certain et un engagement fort des parties prenantes. L’exercice s’il est bien mené peut s’avérer très fédérateur. Bien fait la première année, il ne nécessitera pas de mise à jour laborieuse les exercices suivants. Un bon SWOT est l’assurance d’un plan d’action limité mais pertinent, d’une feuille de route qui donne du sens à chacun mais aussi d’équipes engagées sur une même une voie et animées d’une vision commune.
Si vous désirez en savoir plus sur la méthode ou sur les ateliers SWOT que j’ai développés et que j’anime, n’hésitez pas à me contacter contact@engageanddeliver.com ou +33 681 651 314.
Jean-Yves Masse